L’approche traditionnelle de l’éthique clinique repose sur le modèle des comités d’éthique, soit un groupe de personnes se réunissant pour délibérer et rendre un avis sur l’issue d’une question éthique. Ces comités reposent sur des principes forts d’impartialité et d’intellectualisme de la philosophie morale. De tels comités d’éthique «traditionnels» ont ainsi recours notamment à des membres n’entretenant que peu de liens professionnels avec l’organisation concernée. Ce modèle entraîne généralement des consultations surtout au sujet de situations rendues complexes (souvent à l’aube de la judiciarisation), et tend à instaurer un certain cloisonnement des compétences en éthique.
L’approche du Centre d’éthique, basé notamment sur le modèle Hub and Spokes, compte davantage sur un mode «interventionniste» ou «sur le terrain». En effet, les conseillers en éthique vont directement à la rencontre des personnes concernées par la situation difficile afin d’effectuer de la médiation, soutenir la réflexion et ainsi faciliter le dénouement de situations complexes. Ce fonctionnement repose sur des principes forts d’intersubjectivité et de narrativité, c’est-à-dire une considération dominante de la relation entre des personnes en tant que sujets et en tant que porteurs de différentes histoires de vie.
La présence d’une permanence en éthique (le Hub) rend ce mode de fonctionnement possible. Les personnes de la permanence ont une formation spécifique et une expérience soutenue en matière d’éthique clinique, ce qui les habilite à intervenir directement auprès des demandeurs. Les consultations peuvent adresser par exemple le questionnement d’employés ou d’équipes au sujet de leur responsabilité et imputabilité professionnelle, au sujet de l’application de certaines lois en matière de santé, comme elles peuvent viser la résolution de situations cliniques complexes et difficiles. Les personnes des différents comités s’ajoutent afin de tirer bénéfice de la force du groupe pour des réflexions plus soutenues et afin de favoriser la dissémination de la culture de l’éthique (le Spokes).
Grâce à un effort considérable et soutenu de développement d’une culture organisationnelle sensible aux enjeux éthiques au sein du CISSS de Laval, le Centre d’éthique reçoit désormais en moyenne 170 consultations en éthique clinique et reçoit en moyenne 90 demandes d'aide médicale à mourir annuellement (données de 2017-2018). Cela est sans compter les consultations cliniques effectuées au sein des ententes inter-établissements.
Un nombre élevé de consultations en éthique au sein d’un établissement n’est pas en soi une réussite, au sens où les pratiques quotidiennes requièrent des professionnels de constamment mettre à l’œuvre leurs compétences éthiques, notamment par le respect de leurs déontologies professionnelles respectives. Un nombre élevé pourrait ainsi être interprété comme le symptôme de lacunes majeures dans les pratiques habituelles. Cependant, lorsqu’une grande sensibilité éthique est partagée au sein d’une culture d’établissement, il est normal d’observer que les professionnels et les équipes soient beaucoup plus humbles lors des situations cliniques difficiles ou incertaines, et ainsi davantage prompts à recourir à l’appui de services consultatifs en éthique clinique.
Reconnaître un problème éthique
Les enjeux éthiques surviennent fréquemment dans la prestation des soins de santé et des services sociaux. Certains signes sont révélateurs de leur présence :
- Le facteur «beurk»: avoir l’intuition que quelque chose n'est pas correct, ou ressentir un sentiment d'angoisse ou de détresse morale;
- On sait la «bonne» chose à faire dans une situation, mais les diverses contraintes rendent difficiles sa mise en œuvre;
- On se demande ce qu’une bonne personne ou un bon professionnel devrait faire dans une situation donnée;
- Deux valeurs ou plus s'appliquent à une situation, mais ces valeurs divergentes impliquent d’agir différemment. Respecter l’autonomie d’une personne ou le laisser se causer un tort irréparable?;
- On vit un conflit ou une incertitude quant à la qualité de la vie d'un patient, son plan de traitement ou ses objectifs de soins;
- Les ressources limitées dans l’établissement, les politiques institutionnelles ou les pratiques existantes rendent difficile la satisfaction des besoins, des valeurs, des préférences et des attentes d'un usager.
- Les patients, les familles, les stagiaires, le personnel, les médecins et les gestionnaires prennent des décisions éthiques tous les jours. La plupart du temps, ils n'ont pas besoin d'aide pour ces décisions. Toutefois, face à des choix moraux difficiles, un soutien est accordé.
Cette assistance est fournie par le Centre d’éthique du CISSS de Laval. Tout membre des équipes de soins de santé et de services sociaux ainsi que les gestionnaires (y compris les usagers et les familles) peuvent accéder aux services du Centre d’éthique pour les soutenir.
Le processus de consultation en éthique clinique
La consultation en éthique aide au processus de prise de décision éthique en respectant les étapes suivantes :
- L’examen des faits avec les intervenants concernés afin de s'assurer que les questions, les choix, les objectifs, les options possibles et les résultats probables sont clairement identifiés et compris;
- L’exploration et l'analyse des valeurs éthiques, principes, normes, politiques et ressources en présence;
- La clarification des objectifs, valeurs, désirs et intérêts des usagers, de leurs familles et des membres de l’équipe soignante;
- L’aide au règlement des conflits;
- Le soutien à l'équipe dans ses décisions et actions.
Un consultant en éthique parlera avec vous pour connaître vos besoins. De là, il pourra offrir différents types d’intervention tels des formations, de la consultation avec les personnes concernées (intervenants, gestionnaires, usagers et leur famille, etc.), de l’orientation vers d’autres services ou de la résolution de conflits (médiation). Les consultants en éthique ne se substituent pas aux décisions des équipes de soins ou de services sociaux, mais ils aident à soutenir la réflexion de ceux qui font face à des choix difficiles ou à des problèmes complexes.
Les consultants respectent la confidentialité de tous les usagers et membres des équipes qui les consultent en conformité avec les normes juridiques. Les consultants en éthique se déplacent et viennent rencontrer les équipes dans leurs milieux de pratique/travail.
Quand demander une consultation en éthique?
Les types de situations médicales ou sociales impliquant des enjeux éthiques peuvent inclure par exemple:
- Des désaccords sur le plan de traitement ou d'objectifs de soins et de services d'un usager;
- Une incertitude quant à la capacité de l’usager de prendre ses propres décisions pour ses soins et services (NB: les consultants en éthique n’effectuent pas l'évaluation de l’aptitude à consentir des usagers);
- Des questions sur le bien-fondé ou le rôle du représentant légal d’un usager inapte;
- L'application d'une politique de l'établissement dans un cas particulier;
- L'incertitude ou le désaccord concernant la détermination du niveau d’intervention médicale ou le transfert aux soins palliatifs ou en hébergement;
- Les questions au sujet du refus ou d’un arrêt de traitement;
- Un usager ou sa famille qui exige des soins ou services que les professionnels de la santé ou des services sociaux considèrent inappropriés ou, à l’inverse, un usager ou sa famille qui refuse des soins ou des services que les professionnels estiment nécessaires ou utiles;
- Une équipe ou une famille qui souhaite de l’aide pour réfléchir et interpréter les volontés d’un usager inapte exprimées précédemment ou dans un testament de vie.